L’UX IRL : exemple d’un live escape game

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Un peu de théorie…

On parle d’UX (pour User eXperience : expérience utilisateur) généralement dans le monde du numérique, pour parler de l’expérience vécue sur un site web, une appli, un jeu vidéo. Cependant, en réalité, nous passons nos vies à vivre des expériences utilisateur. Quand je vais faire mes courses dans le commerce de proximité en bas de chez moi, je vis une expérience utilisateur, avec toutes ses qualités pragmatiques qui renforcent mon attachement au commerce (proximité, horaires d’ouverture…) et tous les points limitants qui justifient mon infidélité régulière (peu de produits bio et locaux, pas autant de choix que dans une grande surface, et en particulier pas de mozzarella di bufala).

Selon le modèle de l’UX d’Hassenzahl, les gens perçoivent les produits interactifs selon deux dimensions :

  • Qualités pragmatiques : capacité à soutenir l’accomplissement de « do-goals » = focus sur le produit (utilité, utilisabilité, réalisation des tâches)
    → Exemples de « do-goals » : passer un appel, trouver un livre dans une librairie online, commander un article
  • Qualités hédoniques : capacité à soutenir l’accomplissement de « be-goals » = focus sur le Soi (pourquoi on possède et on utilise un produit particulier ?)
    → Exemples de « be-goals » : être compétent·e, être en relation avec les autres, être en sécurité,…

De plus, le souvenir de l’expérience vécue et les émotions engendrées par ce souvenir seraient en réalité les facteurs les plus susceptibles de motiver un·e client·e à renouveler son contact avec un produit ou une marque, donc en un mot de fidéliser l’utilisateur·trice. Les éléments de ce souvenir concernent principalement les qualités hédoniques d’un produit, celles qui ont provoqué des émotions.

Les qualités hédoniques sont assez peu présentes dans l’exemple de la supérette, qui répond clairement plus à des besoins matérialistes (acheter à manger). Cependant, préférer la facilité à mes convictions en achetant des produits de grande distribution plutôt que du bio et local va avoir un effet négatif sur mon estime de moi-même. Et en revanche, le fait de connaître les visages et les rayons du magasin va contribuer à assouvir mon besoin de sécurité. Cet exemple, volontairement peu émotionnel, permet de montrer la présence et l’importance de toutes les dimensions de l’UX dans tous les domaines.

Mais aujourd’hui, “Notre culture passe du matérialisme à l’expérientialisme” explique Carine Lallemand, chercheuse en expérience utilisateur, expliquant ainsi l’importance de son sujet de recherche. On remarque en effet l’émergence des Smartbox depuis une dizaine d’années, permettant d’offrir une expérience plutôt qu’un cadeau matériel. Dans ce type de contexte où le produit vendu ne correspond à aucun besoin primaire, l’expérience utilisateur, et en particulier son versant hédonique, devra être extrêmement soignée pour fidéliser les client·e·s.

… pour expliquer la pratique

C’est ce que j’ai observé le week-end dernier, en testant un jeu d’escape game grandeur nature à Lyon. Le concept du jeu est simple :

  • une équipe de 3 à 5 personnes
  • une énigme à résoudre de manière collaborative
  • un univers immersif matérialisé par une salle de 10-20m2
  • 1h pour trouver comment sortir

Ce concept s’est développé en France depuis 2 ans, et à Lyon depuis moins d’un an, et rencontre un vif succès. L’énigme à laquelle nous nous sommes confrontés était sur le thème des pirates.

D’après ce que j’en ai vu, tout le secret d’une expérience d’escape game réussie se résume en 2 points :

  • Immerger les usager·e·s dans l’univers du jeu
  • Équilibrer correctement la difficulté du jeu : ni trop dur, ni trop facile

Le point qui m’intéresse ici est le premier, celui de l’immersion dans un univers. C’est en discutant avec Florent Lambert – co-gérant du lieu – après avoir terminé la partie que j’ai réalisé le lien très fort avec mon travail d’UX designer. Il nous a décrit tout le processus de décoration des salles, ainsi que ce qu’il avait pu observer en testant d’autres escape games à Lyon et Paris. Le souci du détail est crucial : la qualité des matériaux de décor (cuir, costumes,…), l’attention portée aux verrous pour les vieillir (l’histoire se passe une cinquantaine d’années après que le navire a été abandonné) et aux livres pour qu’ils ne soient pas anachroniques (l’histoire se passe au 18ème siècle), la décoration du plafond… Florent Lambert nous donne des exemples d’autres escape games qu’il a testés : l’un dans lequel le décor était très beau avec pierres apparentes sur tous les murs mais avec un plafond blanc tout neuf, ou un autre dans lequel les verrous étaient ultra-brillants avec presque la marque Castorama au dos.  Quand il précise que les gens ne voient pas forcément tous ces détails, mais que ceux-ci contribuent à l’immersion dans l’univers – car leur absence leur rappellerait qu’ils ne sont que dans un jeu – le lien avec l’UX est évident.

En tant qu’UX designer, notre travail est assez peu remarqué. C’est plus souvent quand il n’y a pas eu d’UX designer sur un projet que les utilisateurs·trices remarquent le manque à base de “C’est nul”, “Je ne comprends rien”, “C’est vraiment mal foutu” et “Ça me soûle”. Souvent suivi de près par un abandon : “Ça me soûle, j’me casse !”.

Cette expérience m’a fait réaliser à quel point l’UX est partout, pas seulement dans le domaine des technologies numériques, et que celle-ci est perçue par tous même si cela a souvent lieu de manière inconsciente. Au final, nous sommes tous, chef·fe·s d’entreprise, metteurs·ses en scène, décorateurs·trices, ergonomes, restaurateurs·trices, enseignant·e·s, et tant d’autres, des concepteurs d’expériences utilisateur. À nous de faire en sorte que ces expériences soient positives, et surtout que leurs souvenirs donnent à nos client·e·s l’envie de revenir.

 

En savoir plus sur le jeu sur http://www.enigmaticlyon.fr

 

3 réflexions au sujet de « L’UX IRL : exemple d’un live escape game »

  1. Merci beaucoup pour cette analyse très poussée.
    En effet, le sens du détail pour optimiser l’expérience des joueurs a été notre priorité.
    Nous sommes très heureux que grâce à cela, nos joueurs passent un bon moment chez ENIGMATIC !
    A très vite pour tester notre deuxième UX IRL à Londres en 1850, avec l’énigme “Panique à Westminter”.
    Saskia, de l’équipe “ENIGMATIC Live Escape Game – Lyon”.

  2. J’ai testé ” Panique à Westminster ” et j’ai passé un super moment en famille.Nous étions 4 personnes et n’avons pas vu passé le temps …
    J’avais aussi testé ” Le mystère de Barbe Noire “.Deux contextes différents mais admirables !

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